L’association France Alzheimer vient en aide aux proches aidants des malades d’Alzheimer. Active dans tous les départements et au niveau national, sa vocation est notamment de former, d’informer, d’orienter et d’accompagner la personne malade et son aidant malgré la maladie.
Nous sommes allés à la rencontre de M. Étienne Trouplin, Président de France Alzheimer Orne. L’association est très active dans le département de l’Orne (61) et nous avons voulu en savoir plus sur ses actions.
Rencontre avec M. Trouplin (France Alzheimer)
CetteFamille : Pouvez-vous présenter France Alzheimer Orne et ses missions ?
Etienne Trouplin : France Alzheimer Orne est une association départementale qui dépend de l’union nationale France Alzheimer et maladies apparentées. Elle a été relancée depuis 7 ans par plusieurs bénévoles en tant qu’association de familles de malades, pour s’organiser et prendre du temps pour s’occuper de leurs proches atteints par la maladie d’Alzheimer. Depuis deux ans, l’association se tourne également vers les malades « jeunes » (moins de 65 ans), aptes à comprendre la maladie et à se prendre en main.
Nous expliquons également aux familles comment préparer les rencontres entre les jeunes enfants qui retrouvent leurs grands-parents, après parfois plusieurs mois et qui doivent être prévenus du changement de comportement. Cela évitera des réflexions désobligeantes. Les enfants, même petits, peuvent tout comprendre si on leur explique bien.
Notre aide aux aidants passe par un rôle de conseil et d’écoute. Nous avons deux types de personnes qui viennent nous voir : celles qui viennent d’apprendre que leur proche est malade et qui demandent des conseils, et ceux qui n’y arrivent plus après des années aux côtés de leurs proches – souvent il s’agit de situations d’urgence.
Nous permettons aux personnes de se rencontrer, de s’épancher, de raconter leurs problèmes etc. Ils se trouvent souvent face au déni de la personne malade ou des proches qui ne perçoivent pas la situation exacte.
Nous mettons en place des permanences à Alençon, Argentan et Domfront, deux cafés-mémoire, un café-convivialité, des formations d’aidants… Mais aussi des séances de sophrologie pour les aidants, des séances d’information et même un accueil en anglais pour les retraités britanniques venus passer leurs vieux jours en Normandie.
En tant que président, j’interviens également lors de conférences avec des neurologues et des psychologues. J’interviens toutes les deux semaines sur RCF 61 pour parler d’un sujet (bien-être de la personne malade, droit au répit, aménagement de la maison, déremboursement des médicaments…) et des actions du mois.
Vous parliez du déni face à la maladie, comment peut-on faire face à ce comportement qui empêche une prise en charge efficace des malades ?
Les gens qui se trouvent dans le déni ne viennent évidemment pas nous voir. Il arrive souvent que les aidants ne se rendent pas compte car le malade ou le couple leur cache la réalité, en se présentant sous un bon jour. La personne malade est souvent capable de prendre sur elle pour participer à la conversation, prendre des décisions etc. Il faut souvent passer une nuit sur place pour se rendre compte de la réalité du quotidien des malades d’Alzheimer.
Notre rôle à nous n’est pas de diagnostiquer la personne malade. C’est le rôle du neurologue. Notre rôle consiste à assister les proches pour qu’ils puissent mettre en place de quoi préparer la suite. En effet, lorsqu’on diagnostique la maladie on a globalement 8, 10 ou 12 ans devant soi avec elle, et elle évoluera de pire en pire.
Nous conseillons d’aller voir les CLIC pour se renseigner sur les aides sociales, l’APA, la carte d’invalidité, etc. Nous expliquons qu’il est possible de faire une préinscription en EHPAD, mais cette idée est généralement mal acceptée. Pourtant les personnes ont tout intérêt à le faire car les places manquent dans la région d’Alençon.
Quelles sont les spécificités départementales en ce qui concerne l’assistance aux personnes malades d’Alzheimer et leurs aidants ?
Il y a de la place en EHPAD au niveau départemental. Mais il existe de fortes disparités entre le bocage et les villes. La prise en charge est globalement bien faite, grâce aux CLIC et aux MAIA. Il y a des EHPAD privés, publics et privés non-lucratifs. Mais leurs tarifs peuvent être élevés (jusqu’à 3 000 € mensuels).
De plus, dans les 30km autour d’Alençon il peut y avoir environ 1 an d’attente. Dans le bocage, on peut trouver une place en 15 jours.
Y-a-t-il des alternatives aux logements collectifs dans l’Orne ?
Je n’ai pas connaissance d’habitat partagé, le baluchonnage est une très bonne solution mais elle n’est que temporaire. Il y a des accueillants familiaux mais, on peut le déplorer, les personnes malades d’Alzheimer ne sont pas orientées dans ces familles. Pour les malades pour lesquels le maintien à domicile n’est pas possible, il n’y a pas d’autre solution que l’EHPAD.
Ceci pose un problème pour les malades jeunes – ceux qui ont moins de 60 ans. Nous avons eu le cas d’une personne de 39 ans, par exemple, qu’il était impossible d’envoyer en EHPAD où la moyenne d’âge est de 90 ans. C’est vrai aussi pour une personne de 60 ans d’ailleurs.
Je comprends qu’il n’y a pas assez de malades jeunes pour créer une unité spécifique en EHPAD. Alors pourquoi ne pas essayer l’accueil familial pour ces personnes comme il est pratiqué par de nombreux autres départements ?
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces malades jeunes ?
La problématique est peu connue car elle est assez récente. Pourtant, on sait que cela peut arriver notamment à cause de la forme génétique de la maladie. Il n’y a pas d’explication pour le moment, heureusement il n’y a pas beaucoup de cas à signaler. Mais le problème reste entier : que faire des personnes malades lorsqu’elles ont un travail, des enfants etc. ?
Il y aurait donc une utilité à concevoir des logements de proximité, pour permettre aux personnes de rester à proximité de chez elles malgré la maladie. Pour le moment l’offre de logement n’est efficace qu’à partir d’un certain âge. Bien sûr des choses se mettent en place au niveau associatif, mais elles ne suffisent plus lorsque la personne ne peut plus rester chez elle.
Avez-vous un souhait à émettre concernant la prise en charge des malades d’Alzheimer dans les prochaines années ?
Il faudrait qu’un financement plus important puisse venir les aider. Car même avec une retraite moyenne de 1 200 € il est difficile de faire face au coût d’un EHPAD, en moyenne 1 700 € par mois. Certains ont de l’argent de côté ou peuvent compter sur les enfants mais ça n’est pas le cas de tous.
Nous travaillons enfin à faire considérer cette maladie comme un phénomène public, et non quelque-chose à cacher. France Alzheimer Orne va se lancer dans une opération « Amis d’Alzheimer » inspirée du concept « Dementia Friendly » qui existe à l’étranger. Il s’agit de former les personnes, facteurs, chauffeurs de bus, policiers, commerçants… à communiquer avec les malades. Plutôt que de créer un lieu dédié, nous voulons favoriser l’inclusion des personnes dans la vie quotidienne de la ville. C’est aussi un moyen de guetter les premiers signes.
Lorsqu’on sait comment communiquer et de quoi les gens ont besoin, on a moins peur vis à vis de la maladie. Pour lancer ce test, nous allons commencer par Alençon et Argentan, pour déployer ce concept à petite échelle. Ce qui nous permettra de donner un sens supplémentaire à la phrase de France Alzheimer : « Vous aider à toujours profiter de la vie. »
× Propos recueillis en février 2019
Merci à Étienne Trouplin pour son temps et de sa disponibilité.